Il y a tout juste 1 an, je m’effondrais au beau milieu d’un cours.

Le dimanche 14 Janvier 2024, je donnais un atelier de yoga à plus de 20 élèves. À peine le cours commencé, alors que je suis en train d’expliquer l’atelier, je sens comme une partie de moi qui s’échappe, je commence à avoir des palpitations, des coups de chaleur, je manque de m’évanouir. Je dis à mes élèves que quelque chose de ne va pas, mais je continue : je m’allonge, relève mes jambes, regarde le plafond et fais mon cours en leur tournant le dos, paniquée à l’idée d’être face à tout le monde. Cette anxiété sociale ne me quittera presque pas jusqu’en Avril et revient par alternance depuis. Suite à cette matinée, je resterai dans mon lit 2 semaines, essayant tant bien que mal de m’occuper de ma fille les matins / soirs et mercredis et ne comprenant pas ce qu’il se passe. Il faut dire que 3 jours avant, j’avais été hospitalisée et anesthésiée pour une opération. Alors je me dis que j’ai du mal vivre l’expérience, que je suis en stress post-traumatique. Incapable de me laver avant 16h, de marcher seule en ville ou en campagne, de me rendre dans des lieux publics, j’assure tant bien que mal mes cours, parfois en regardant le sol, pendant des mois. Je ne peux pas m’arrêter. Parfois j’ai l’impression d’aller mieux puis je fais des chutes de tension qui me mettent KO pendant 2 jours. Je consulte des médecins, psy et thérapeutes. Ca n’a l’air de rien mais juste sortir de chez soi pour aller quelque part est extrêmement dur. Je n’arrive pas à retrouver de l’énergie, je suis comme terrassée. Terrifiée à l’idée de ne plus pouvoir travailler normalement, moi qui dépends de mon corps pour m’assurer un revenu. Et les peurs qui remontent : comment travailler ? Comment assurer ma sécurité ? Comment m’occuper de ma fille ? Comment m’occuper de ma maison ? Quelque chose m’inquiète et la peur me souffle que, peut être, c’est là ma nouvelle réalité.

Quelques mois plus tard, alors que je sors la tête de l’eau vers Juin, via des ajustements alimentaires et compléments spécifiques pour l’épuisement, via les thérapies et via le repos profond et la découverte du Yoga Nidra, je commence à mettre un mot : burn-out.

Comment ça burn-out ? Je donne 5 cours par semaine, 2 ateliers par mois, c’est quand même pas la mer à boire. Mais les symptômes sont là.

Et j’apprends et comprends, que le burnt-out, c’est pas qu’au boulot. Le burn-out c’est tout un tas de choses. Le burn-out c’est une maternité intense qui a été mal vécue. C’est 3 ans de nuits sans sommeil et des problèmes de sommeil qui perdurent. C’est 2 ans d’allaitement sans se ressourcer. Ce sont des problématiques relationnelles. C’est être affairée tout le temps en permanence. C’est que sur ta to-do list, vider le lave vaisselle et faire les facturations sont sur le même degré d’urgence. C’est l’agitation intérieure quand il y a un espace vide qui se crée dans sa journée. C’est donner, donner, donner, avancer, sans prendre vraiment l’espace de se « nourrir » profondément. C’est un système nerveux qui n’a probablement jamais vraiment connu l’état de Relaxation plus que le temps d’un Savasana. C’est les pensées incessantes : je ne fais pas assez, je ne suis pas assez bien, je devrais faire mieux, je devrais faire plus que ça. C’est la barre haute, dans tous les domaines de la vie.

Aujourd’hui, 1 an plus tard, je ne m’en suis pas vraiment remise, et peut être que ça ne sera jamais vraiment comme avant. J’arrive en cours avec à l’esprit que je pourrai à nouveau sentir d’un coup un effondrement, même passager. Comme chez la coiffeuse il y a 1 mois. Comme dans ma voiture il y a 6 mois alors que je chantais et était « ravie ». J’ai plus de mal à me concentrer, je n’ai aucune endurance.

Mais vous savez ce qui me fait le plus peur ? C’est que je n’ai pas encore assez changé. C’est que j’ai compris, mais pas encore transformé. Je culpabilise de me reposer, faire moins et être plus. Oh pas les 8 premiers mois, non, j’affirmais ce besoin. Mais depuis que je retrouve une forme plus « normale », mes travers sont toujours là. Faire mieux, aller plus loin. C’est pas assez, c’est pas assez. Se ré-engager à droite à gauche. Mais j’arrive à le reconnaître plus rapidement. À déjouer tout ça plus rapidement. Pas en niant, mais en étant totalement présente à ces pensées et aux émotions qu’elles véhiculent. Je comprends aussi tout ce que cette activité permanence cachait, de la dépression latente, un sentiment de vide intérieur créé par un cruel manque d’estime de soi. Cette estime de soi à partir de laquelle je peux m’affirmer sans m’imposer, mettre des limites sans me fermer, apprécier le flux de la vie sans me noyer dans de la léthargie. 

Je ressens l’importance de me transformer véritablement. De me pencher vraiment sur tout ce qui, à l’intérieur, a accepté les conditions extérieures pour me laisser m’engloutir. Parce que si je ne le fais pas, la prochaine fois, ce sera pire. Je sais que la transformation est là, j’ai tant appris l’année dernière… mais les habitudes ont la vie dure.

Il y a quand même de l’évolution : je modifie ma façon d’enseigner, mes propositions, ma compréhension du monde et de ses systèmes. Je modifie ma vision des choses, de parler aux gens. J’affirme le repos profond, le ralentissement, le suivi des cycles, la période de repos et de restauration qui doit impérativement suivre la période d’action. Mais cette voix, encore toujours : « tu devrais faire mieux ». Merde ! J’ai déjà tant fait, crois-moi. On n’arrive pas à une si mauvaise estime de soi avec une histoire de vie cui-cui les petits oiseaux. J’ai fait beaucoup.

J’aimerais que nous puissions tous ralentir, que le critère de réussite soit à quel point je suis une personne reposée, calme et patiente, plutôt qu’une personne productive et performante (« utile » soit dit-en passant) qui s’irrite tout le temps.

Je me souhaite une vie douce, une vie saine, une vie nourrie et une vie reposée. Je me souhaite surtout de le vouloir et de l’accepter vraiment.