J’ai souvent cette sensation d’être en constante lutte. Lutte contre moi-même, d’un côté je veux ceci et de l’autre, je veux ça. D’un côté je suis comme ceci, et je voudrais être comme cela. D’un côté j’ai ceci, et je voudrais cela. D’un côté je me sens comme ceci « mais en même temps… ». Une forme de lutte sclérosante, incapacitante.
La lutte intérieure, c’est tenir les rennes de deux chevaux qui ne veulent pas aller dans la même direction.
Passer notre honte à la machine
Mais bonne nouvelle, quand on aime entrer régulièrement dans une machine à laver, la vie se charge de t’envoyer quelques prises de conscience type eau de javel qui remettent quelques choses à plat.
Un petit coup de lessive qui fait remonter un peu la boue. Ce qui est bien quand on a cette habitude de travailler sur soi, c’est qu’on finit par faire la différence entre « je ressens une émotion qui a trait à ce qui m’arrive là tout de suite maintenant », et « une émotion du passé est en train de remonter sur des circonstances autres que les situations qui en sont à l’origine ». Pendant quelques semaines, c’est comme si les situations et les interactions que j’avais me mettaient face au mépris. Et d’à quel point ce mépris me fait me sentir mal.
La Honte de Soi : un mépris intériorisé
Avant d’arrêter la lutte contre moi, il a fallu prendre déjà conscience du sentiment de honte. Comme beaucoup, j’ai bénéficié de la joyeuse éducation basée sur le mépris, la dévalorisation, l’humiliation. Ce qui fait qu’on ne sait pas pourquoi, mais les « grandes personnes » ont pas trop envie que tu te sentes bien avec qui t’es et essayent de te faire comprendre que t’es pas bien, t’es pas « komilfo » (ha ce Komilfo).
Ce sont des petites piques, des petites moqueries. Tu sais pas faire ci, tu sais pas faire ça, toi t’es comme ça, toi t’aurai dû, bouh tu pue, bouh c’est moche. Des fois des trucs plus gros. Des fois des parents qui eux-mêmes sont honteux de leur propre existence inconsciemment.
Et tout autour de nous, la peur du ridicule, la honte. Et le mépris de l’autre quand on a envie qu’il se sente honteux, qu’il se sente mal d’être juste comme il est car on n’est pas bien à l’aise avec ça.
Eh bien là j’arrive à saturation de cette énergie de mépris. Que ce soit le mien envers moi-même ou d’autres, ou celui des autres envers eux-mêmes ou autrui.
Ce n’est pas que lié à notre éducation parentale. Le mépris, la dévalorisation, l’humiliation, est partout autour de nous. A l’école, dans nos relations amicales, amoureuses. Dans notre histoire personnelle, le mépris s’est forcément présenté. Et a eu un impact différent sur chacun, en fonction de ses propres inclinaisons, son tempérament, la fréquence de ces épisodes méprisant, leur intensité.
Au bout d’un moment, ce mépris s’intériorise. On n’a même plus besoin que quelqu’un s’y mette, on y arrive très bien tout seul.
Avoir honte dans le fond du fond de qui on est, de ce qu’on aime, de nos désirs, de nos plaisirs, de nos rêves, de nos caractéristiques, de notre corps, de nos émotions, de nos centres d’intérêt, de nos pensées.
L’idéal dans le regard de l’autre
Alors on apprend petit à petit à adhérer à ce que l’autre envisage du « komilfo » (l’autre d’un point de vue large : les autres plutôt). Sur ce qu’il faut pour être considéré comme suffisant, pour éviter les railleries, pour éviter les regards désapprobateurs. On adhère à tout un tas de règles qui viennent confirmer qu’on a quand même des efforts à faire pour être « bien ». Il faut travailler sur soi / lâcher prise, il faut ressentir des émotions positives, il faut être naturelle / être sophistiquée, il faut être aimée, il faut aimer son travail, il faut gagner de l’argent, mais il faut pas trop en gagner non plus, il faut être mince, et faut pas trop être chiante avec ça, il faut plein de trucs, en fonction des personnes qu’on côtoie et en fonction des « tribus » auxquelles on a envie d’appartenir.
Rapport au Corps : la porte d’accès divine
Cela fait quelques temps que ça germe. Mais j’ai déjà commencé par me poser la question de mon végétarisme. Qui a dit que je devais être végétarienne ? Et qui a dit que je devais manger de la viande ? Qui a dit que ça c’était sain, et que ça c’était pas sain ? Pour s’étendre globalement au rapport à mon corps.
Quand j’ai eu 35 ans il y a quelques jours, je me suis rendue compte que je vivais encore dans mon idéal de vie d’il y a 10 ans. Il y a 10 ans, je faisais 1,5 h de sport par jour, je mangeais beaucoup moins, j’avais un ventre plat et en vrai j’étais bien dans mon corps et dans ma vie. Et depuis que ce temps est révolu, je me sens honteuse. Honteuse de pas être comme ça, que je devrais y arriver vu que je l’ai déjà fait une fois. Mauvaise estime et image de moi comparativement à un idéal du temps jadis où ma vie n’avait absolument rien à voir. Elle est ici à la lutte. Je suis comme je suis aujourd’hui et je voudrai être comme j’étais il y a 10 ans.
Ma relation a l’alimentation a été un électrochoc ces dernières semaines pour remettre tout ceci à plat. C’est en m’intéressant à l’alimentation intuitive que je me suis rendue compte que j’étais dans « la mentalité des régimes » qui part du principe que mince c’est bien et mieux que pas mince. Que ventre comme cela c’est mieux que ventre comme ceci. Que telle alimentation saine à base de celeri et de graines de chia est mieux que telle autre alimentation où y’a du sucre dedans. Où ce rapport à ton alimentation est fortement conditionné par cette étiquette de « bien / pas bien », d’un idéal inatteignable et de contrôle constant de soi. Contrôle qui ne tient pas la route et qui fait osciller entre temps d’ultra-contrôle et temps de compulsions alimentaires. Ou tu te rends compte que cette inclinaison sur le « il faut être comme cela et donc manger comme ceci » finit par créer des troubles du comportement alimentaire (largement partagé mais personne n’admet ces compulsions). Et que… ben j’ai envie de dire non.
Que je veux faire la paix avec moi. Que je veux faire la paix avec mon alimentation. Que je veux faire la paix avec mon corps.
Et retrouver un rapport serein avec celui-ci.
Une façon de faire qui s’étend à d’autres domaines
Si j’avais su qu’ouvrir cette porte m’aurait rendu, presque du jour au lendemain, beaucoup plus heureuse avec une estime de moi boostée, je l’aurai ouverte avant.
Encore une fois, il s’agit de « reprendre son pouvoir ». Parlons chakra : la honte est reliée au chakra du plexus solaire, chakra du feu, comme si l’humiliation était de l’eau que l’on jetait sur notre réservoir de feu. Avec les soucis que ça apporte (digestion, estomac, passage à l’action etc.). C’est retirer le pouvoir à l’autre. Et quand on est dans cette mentalité de « non tu veux ça mais c’est pas bien », on rajoute de l’eau froide sur notre feu intérieur. Pas de bol !
Sortir de l’étiquette du « Je suis tel ou tel truc ». Je suis prof de yoga alors je dois être naturelle et être habillée comme cela, et penser comme cela. C’est comme si avec cette étiquette « prof de yoga » venait tout un tas d’attentes de moi et des autres auxquelles j’ai envie de correspondre, de dire « ok », pour pas avoir à justifier.
Alors j’ai laissé tombé toutes ces attentes. Je suis aujourd’hui beaucoup plus à l’aise avec plein de choses, et notamment mon corps et ce que j’aime. Les habits que j’aime qui font pas « prof » de yoga. D’où les éléments de crise de quarantaine piercing, tatouage, cheveux, style de fringue… Aller vers ce qui me plait plutôt que ce qui devrait me plaire compte tenu de ce à quoi je veux correspondre et là où je veux aller. Ce qui n’empêche pas de vouloir aller quelque part MAIS de le faire avec ce qu’on a plutôt que ce qu’il faudrait avoir pour y aller.
Ce que j’aime davantage que ce qu’il faudrait que j’aime.
Il n’y a presque pas de fin sur cette idée d’aller vérifier si nos pensées ne sont pas ultra conditionnées par plein de choses dont on n’a pas conscience. Justement parce qu’on n’a pas conscience que c’est une pensée / croyance d’autrui et non la nôtre. Et qu’elle est pas « normale ». Non, il n’y a rien de normal à dire qu’un corps devrait être mince et qu’une alimentation devrait être exempt de trucs qui nous font vraiment plaisir (j’ai mangé des Napolitain pour la première fois depuis 10 ans et j’étais super contente de me dire que j’avais le droit de ressentir du plaisir, plutôt que de me dire « j’ai pas le droit mais je le fais quand même ».
Que c’est une pensée qui vient nous desservir, entretenir le « disempowerment » que l’on a subi ou que l’on subit au quotidien. Alors parfois on pousse une porte de conscience et cela ouvre sur tout un nouveau champ de possibilités : celle où la pure expression de soi au-delà de tous les jugements et les attentes est possible.
FREE AT LAST ! Comme si l’énorme cellule de prison dans laquelle j’étais disparaissait ! LIBRE d’être comme je suis et de faire ce que j’aime sans m’excuser, sans me sentir coupable, sans me sentir honteuse.
Un changement pour soi et pour les autres
L’idée n’est pas seulement de dire « je suis qui je suis et je vous emmerde ». L’idée c’est SURTOUT de décoloniser cette pensée du « c’est pas comme il faut » pour les autres également. On peut être capable de savoir que l’on a plus envie de se sentir méprisé, par l’autre et par nous-même, mais il est également fondamental, selon moi, de pouvoir identifier qu’est ce qui en nous juge l’autre sur ces choix, sur qui il est, sur ce dont il a l’air. Alors bien sûr, cet espace de non jugement est proche de l’impossible quand on est des gens normaux, mais on peut tendre à enrayer cette position d’humiliation de nos esprits car chacun d’entre nous forme la fameuse société dont on sent le poids. Il ne tient qu’à nous de l’alléger. Et de permettre à l’autre, aussi, d’être qui il est dans toute son entièreté. Lui rendre son pouvoir.
Très inspirant 👍 Je suis également dans cette démarche, j’ose même me mettre des paillettes sur les yeux, à mon âge !!! 😁 Quand mon amie m’a vu, elle m’a dit « tu vas en boîte de nuit ? » J’ai senti que ça réflexion ne me « dérangeait » pas, au contraire mon enfant intérieur riait, je me sentais libre et j’ai compris que c’est elle qui était « gênée » pour moi, elle avait du regard des autres, comme si il y avait un âge pour Être 🤔🥰