Ce n’est pas un article « spirituel », c’est un article très personnel sur une expérience plutôt totalement terre-à-terre, celle de la maternité et notamment de la période post-partum. Aujourd’hui, si cela n’a pas été diagnostiqué parce que je n’avais absolument pas le temps d’aller voir un psy pour en parler de toute façon, je suis sûre d’avoir fait une dépression post-partum, qui a bien duré 2 ans. J’ai aussi besoin de sortir cette histoire de moi, de la mettre sur écran pour me dire que cette période est passée. Mettre un point, la guérir. Aujourd’hui, Céleste a 2 ans et 8 mois. Et je pense que cela fait 2 mois qu’on peut dire que ça va beaucoup mieux pour nous deux.
Aussi, dans cette période là, je lisais tout ce que je pouvais trouver sur Internet sur des femmes qui auraient vécu la même chose, pour me rassurer, pour me relier à elles, pour pas me sentir seule, ce qui était déjà le cas. J’écris aussi pour celle que j’étais il y a 2 ans et qui recherchait des infos.
Des premiers mois chaotiques, le cas du « BABI » / Bébé à Besoins Intenses
Si vous êtes de celles qui pensent que tous les bébés ont des besoins intenses et que c’est pas cool de les étiqueter, vous pouvez passer votre chemin, ces réflexions ne m’ont jamais aidées. Au contraire, poser un constat et l’accepter a été beaucoup plus libérateur que l’idéologie de « non mais tout va bien c’est normal, le problème c’est de vouloir décrire le problème ». C’est nier la souffrance des femmes qui le vivent.
De la même façon, il peut être difficile de voir / lire des informations sur quelqu’un qui vit mal sa maternité quand on est en passe de vivre la sienne ou qu’on a des difficultés à concevoir, je le comprends tout à fait, je l’ai vécu, n’hésitez pas à fermer l’onglet 🙂
Je ne m’attendais pas, en fait, à ce que ce soit si difficile. Ma fille a été particulièrement exigeante dès la maternité. Il était impossible de la poser dans son couffin, à côté de moi, pendant que je pouvais tranquillement me reposer. Dès qu’elle est sortie de moi, il fallait la garder dans les bras sous peine d’hurlements. Alors on se relayait avec son papa toutes les 2H la nuit surtout pour pouvoir se reposer. La journée, il y avait les siestes, au bras bien évidemment, mais surtout au sein. Cela me semblait relativement « normal » et à dire vrai les 10 à 15 premiers jours, je me suis dit « ça va, en fait ». J’ai appris plus tard qu’elle était complètement crevée de l’accouchement, comme moi, et qu’elle se reposait. Après ces 2 semaines relativement douces, c’est devenu une sorte de cauchemar, ou comme je le disais à l’époque, « l’enfer sur terre ». Je me suis retrouvée seule face à ce bébé qui hurlait tout le temps sauf à la bercer sans arrêt. L’écharpe de portage était impossible à mettre, elle était extrêmement tendue, ne se mettait pas en position physiologique (ce qui a duré entre ces 1 et 4 mois). Je l’avais constamment dans les bras, nuit et jour. La nuit, elle restait dans les bras et il fallait se surélever, je dormais donc à moitié assise jusqu’à ses 2,5 mois, où on a commencé à pouvoir l’allonger sur le côté au bout d’une bonne heure de sommeil de sa part, mais toujours avec un contact physique. Son papa prenait le relai quand il pouvait, mais je restais la numéro 1 car j’avais le lait.
Un bébé « imposable »
Un bébé qu’on ne peut pas poser. Ni dans un lit, ni dans un couffin, ni dans un parc, ni sur un tapis, ni dans un transat, nulle part. Alors c’est bien quand t’avais prévu de faire une maternité proximale, mais tu t’attendais quand même à pouvoir faire de la motricité libre. Et surtout tu t’attendais pas à une maternité « intensive » à ce point là. Surtout quand bébé veut pas être dans un portage et ne s’endort pas au sein, qu’il faut bercer, sauter, courir constamment. C’est donc pas de poussette, pas de gazou gazou en regardant les mobiles (ou 4 minutes montre en main tous les 3 jours).
Nous n’avons pas pu être de ceux qui sont à la terrasse d’un café avec un bébé qui regarde le vide dans une poussette en attendant qu’il se passe quelque chose.
Ses 6 mois ont quand même été une vraie étape. Elle était moins tendue et un peu plus heureuse de vivre. Je me souviens que c’est à ses 6 mois qu’on a pu aller chez des gens, même de manière courte, sans risquer des crises de hurlements. On a pu partir un week-end chez ma mère sans que ce soit la catastrophe, même si c’était pas « facile ». A ses 8 mois, nous sommes allés 4 jours en vacances dans le Jura dans un hôtel et ça s’est relativement bien passé, même s’il fallait une haute maintenance. Car pas de poussettes, pas de cosy, un bébé très dynamique physiquement, très bruyant, très présent. C’était pas forcément chill.
Je me souviens qu’on pouvait me dire « tu peux faire ta vie comme avant mais avec ton bébé à côté » (me poser qq part, téléphoner, faire une visio, aller chez le coiffeur, écrire, faire la vaisselle, étendre une lessive, me laver, aller aux toilettes). On m’a proposé aussi de donner des cours de yoga privé avec bébé qui est dans la salle dans un transat. EUH NON. Je ne peux absolument rien faire avec bébé. Bébé ne regarde pas le plafond en faisant areuh pendant des heures. Bébé n’est pas passionné par les objets colorés qu’on lui tend, elle veut qu’on lui parle et qu’on la fasse bouger constamment. Bébé ne reste pas tranquillement dans son coin pendant qu’on fait autre chose. Mais vraiment, même pas 30 secondes littéralement, dès qu’on sort de son champ de vision, voire de son contact physique, c’est l’horreur pour elle. Encore aujourd’hui, même si ça va mieux, son papa et moi restons son principal centre d’intérêt, parfois même le seul. Et je trouve que c’est là l’une des différences entre « c’est normal » (oui un bébé a besoin de ça bien évidemment) et le « là ça fait beaucoup quand même » : c’est que c’est CONSTANT, tout le temps, sans arrêt.
Les nuits sans sommeil
Jusqu’à ses 4 mois, elle dormait plutôt pas trop mal la nuit (parfois 4 ou 5H d’affilée), si ce n’est les 2 premiers mois où il fallait donc dormir assis car dès qu’on perdait de l’altitude, elle se réveillait et pleurait (remplacer tous les « pleurer » par « hurler à la mort »). A ses 4 mois, quelque chose a changé : elle se réveillait toutes les 2H pour téter. Et elle s’est réveillée la nuit toutes les 2H jusqu’à ses 13 mois. A ses 13 mois, à l’encontre des injonctions du mouvement de maternage dans lequel je m’inscrivais à l’époque (et ça m’a beaucoup appris à lâcher prise), nous avons mis en place le sevrage nocturne et le dodo dans son lit. Pendant quelques nuits, au lieu de l’allaiter, je la berçais sur le ballon de yoga (voir plus bas), cela a pu prendre parfois jusqu’à 1H de bercements et de désaccord de sa part. Au bout de 3 à 4 nuits et avec l’aide du papa, le sevrage nocturne était acté. On a commencé à mieux dormir (même si de mon côté réapprendre à dormir a mis beaucoup plus de temps, j’ai eu droit à des insomnies nocturnes) avec plutôt 2 réveils nocturnes. Les nuits complètes ont commencé à se mettre en place très rarement d’abord à ses 15 mois (ça restait de l’ordre de l’exceptionnel), puis progressivement à partir de ses 2 ans. Aujourd’hui elle a des périodes où elle fait des nuits complètes, et d’autres où elle conserve un réveil par nuit, comme en ce moment. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir du moment où nous avons mis en place des petites choses (petit à petit et sans pleurs) pour qu’elle puisse s’endormir seule que les réveils nocturnes ont été « rapides ». Jusqu’à ses 2 ans et 2 mois (moment où on a commencé par d’abord lui tenir la main pour qu’elle s’endorme, puis juste assis à côté d’elle, puis assis de plus en plus loin jusqu’à être derrière la porte), les réveils nocturnes pouvaient durer 1H à 2H. Aujourd’hui c’est 2 minutes et elle se rendort seule. Pour certains, c’est une « violence », pour moi, la violence c’était d’être en dépression par exemple et de pas pouvoir assurer. On l’a pas fait à 6 mois, on l’a fait à plus de 2 ans. J’ai fini par accepter que mon bien-vivre avait aussi de l’importance, pour moi, pour elle, pour tout le monde.
Les journées sans repos
Céleste s’est endormie au sein seulement quelques semaines. Après elle a arrêté (sauf durant la nuit). Seul le bercement fonctionnait pour l’endormir. Toutes ses siestes jusqu’à ses 6 mois (ou plus mais je ne me souviens plus exactement) se sont faites sur un ballon de yoga, seul endroit où je pouvais la bercer sans trop me fatiguer, même si mon dos prenait cher. A chaque sieste, je m’installais donc sur le ballon et la berçais (je sautais plutôt, et parfois il fallait sauter fortement pour qu’elle se calme), presque durant tout le temps de la sieste (au bout d’un moment je pouvais rester seulement assise sans sauter mais toujours sur un ballon de yoga, donc pas forcément pratique ou confortable). Je ne pouvais pas me déplacer pour aller m’allonger, ça la réveillait. Son papa avait plus de facilité à la transférer du ballon au lit (toujours avec contact physique). Durant ses siestes, je n’avais pas de vrai repos. J’avais un repos auditif car c’était un moment où elle ne pleurait pas, mais pas mon cerveau, pas mon corps. A ses 6 mois on a pu mettre en place le portage beaucoup plus facilement : toutes les siestes se faisaient désormais en portage. De la même façon, impossible pour moi de m’asseoir une fois qu’elle s’endormait, je restais debout pendant 1H de sieste plusieurs fois par jour. Si je m’asseyais, elle se réveillait et… eh bien hurlait. Alors tu restes debout même si t’en peux plus, que le dos est au bout de sa vie, car tout, absolument tout, sauf les hurlements, sauf les pleurs qui n’en finissent pas et qui sont particulièrement stridents. On parle de 4 siestes par jour à ce moment là.
Quand elle ne dormait pas sur le ballon, le reste du temps était dédié à des stimulations sans fin quelles qu’elles soient. L’enfant étant imposable (sauf 5 minutes parfois), je l’avais constamment dans les bras et devait lui parler, qu’elle entende du bruit, il fallait qu’elle soit stimulée. Je me souviens un jour à 9H du matin, me dire, bon, plus que 12H avant qu’on se couche. Chaque matinée débutait avec la peur au ventre, avec des cris (car elle se réveillait en criant, je crois que ça a duré très longtemps ces réveils bruyants). Les moments d’intenses crises de pleurs, ou je devais la bercer longtemps avant qu’elle se calme, je mettais des boules quies pour atténuer le bruit.
Les siestes se sont beaucoup (énormément) mieux passées quand on est passé à une sieste par jour (entre donc ses 16 et 18 mois). Le truc drôle c’était les tétées cours de gym : absolument toujours en mouvement, elle tétait la tête à l’envers, un pied dans ma tête, en pédalant sur place, etc. Rien à voir avec les tétées tranquilles et mignonnes. (4 milliards de fois par jour bien sûr).
Les visites médicales : RGO, coliques etc.
On a cherché à trouver quel était le problème. On est allés 2 fois chez l’ostéopathe. 2 fois chez le chiropracteur, à 1,5H de route, spécialement formée aux freins de langue et au syndrome de kiss (rien à signaler : tout va bien, même si elle « est tendue », bah ouais elle hurle tout le temps). 3 fois chez le magnétiseur. J’ai arrêté de manger : des produits laitiers, des oeufs, du soja, du chocolat, des légumineuses pendant quelques semaines (étant végétarienne, je n’avais donc plus aucune protéines, ce qui, je l’ai appris plus tard, rend le corps et l’esprit complètement cinglé car en mode survie, il croit que t’es juste en train de mourir, ce qui n’est pas complètement faux). Alors que je venais de vivre une grossesse, un accouchement et qu’il y avait un allaitement intensif : cela m’a fait plus de mal qu’autre chose. J’étais persuadée que c’était quelque chose que je faisais qui la rendait comme ça (le fameux « c’est à cause de la mère »). Dès que je mettais quelque chose à ma bouche je me disais « ça se trouve c’est ce qui la rend comme ça ». Car certains des bébés dits intenses le sont pour une intolérance aux protéines de lait de vache, d’autres aux oeufs, d’autres au soja, d’autres au gluten. Alors tu tentes tout. Aujourd’hui juste évoquer d’enlever quelque chose de mon alimentation me rend tendue. Je ne voulais pas tenter les laits maternisés car trouver le bon lait me paraissait être la croix et la bannière de ce que j’en lisais et que le lait maternel était au contraire très indiqué en cas de RGO pour soulager les remontées (mais à savoir encore où je prenais mes informations : il y a beaucoup d’idéologie qui traîne dans les 2 camps).
A ses 2 mois elle a été traitée pour le RGO, avec l’Inexium, que l’on a arrêté à ses 6 mois (j’ai tout essayé les 2 premiers mois pour éviter les médicaments sur lesquels je lisais des trucs vraiment horribles). La pédiatre, qui était plutôt chouette, quand elle m’a vu 15 jours après le début de l’inexium, m’a dit que normalement ça devait être le jour et la nuit, tout changer. Je lui ai dit que non, peut être un léger soulagement mais pas de révolution. Alors elle m’a dit quelque chose que je n’oublierai jamais « Ha… donc elle est peut être un peu sensible. Mon deuxième est comme ça. Je pensais tout gérer en étant pédiatre et en ayant eu un premier enfant, mais non. Le deuxième a été très sensible. A 5 ans, il l’est encore ». Elle avait l’air de vouloir me prévenir. Elle avait aussi l’air un peu désolée et concernée par ce qui arrivait et ce qu’elle sentait. Et moi je me suis dit que, oui, parfois, juste l’enfant est comme il est, même si t’es spécialisée.
Je n’ai pas revu cette pédiatre. J’aurai bien voulu, mais à l’hôpital dans la section pédiatrie tu prends rdv « à l’aveugle », tu sauras jamais quel pédiatre tu vas avoir. Nous en avons eu 3 différents en 3 rdv alors j’ai arrêté ce système, on est allés chez le médecin traitant. A partir de ses 2 ans, Céleste a arrêté de hurler à la mort quand un médecin la touchait.
On a aussi essayé les gouttes probiotiques, le julep gommeux, impossible de dire si cela a eu un quelconque effet.
Un bébé ingardable
Un bébé qui hurle beaucoup et qui a besoin de bras pour dormir, ça se fait pas garder si facilement. Ca ne se fait pas garder tout court. En tout cas je n’avais pas envie de passer par ce par quoi il fallait passer pour que ce soit possible, surtout petite. Elle avait juste besoin de moi et j’étais là, même si c’était dans un sale état. A ses 7 mois, une fois par semaine pendant 2H pour aller chez une élève, la grand-mère de Céleste venait la garder (cela a duré 1 mois peut être). Elle pleurait presque pendant tout ce temps, c’était un déchirement pour moi, pour elle, pour tout le monde. Ceci pendant quelques semaines. A ses 21 mois, on a tenté la MAM (Maison d’Assistantes Maternelles) et ça s’est très mal passé. Au bout d’un mois, nous l’avons retirée car elle était vraiment mal, moi aussi du coup, je ne profitais pas du temps que j’avais, elle était devenue très angoissée même à la maison, ne voulait même plus se faire garder par sa grand mère de temps en temps. Elle a commencé à être gardée plus particulièrement à ses 2 ans et de plus en plus. Aujourd’hui on peut la laisser un petit week-end chez ses grands parents paternels et c’est longtemps resté inespéré (je ne peux pour ma part compter sur mes parents).
Bébé Covid
A ses 3 mois donc, nous étions en mars 2020 et on entrait dans les années Covid. En septembre 2020, je reprenais certains cours de yoga, pour les arrêter en novembre 2020 car fermetures obligatoires / interdictions de faire du sport et activités etc. Les structures d’accueil parents/enfants étaient fermées, toutes les activités qui pouvaient nous sortir aussi. Au départ ça ne m’a pas dérangé car Céleste étant ingardable par autrui et pleurait tellement que nous étions de toute façon plus ou moins assignés à résidence. Mais plus elle a grandi, plus on tournait en rond entre 4 murs, en plein hiver. Quand à nouveau les portes se sont ouvertes, soulagement ! Et elle avait 18 mois. On a été avec les masques pendant un moment mais on pouvait surtout être dehors et faire autre chose que : des courses. Ha les courses et les caddies bénis !
La colère et la culpabilité
La colère ne pas profiter de ces instants avec mon bébé. La colère d’être toujours à 250% sans possibilité de repos. La colère de voir d’autres bébé tranquilles vivre leur vie pendant que papa et maman font la leur, la colère de voir des gens attablés avec un bébé endormi dans une poussette à côté. On se rassurait comme on pouvait en disant que ces bébés avaient l’air bêtes à regarder dans le vide. Que même c’est pas normal de regarder ses parents s’éloigner sans exprimer la moindre réticence. Genre aucun instinct de survie les pauvres. (c’est pas très sympas pour les autres bébés mais ça fait du bien, j’accepte inconditionnellement tous les moyens que j’ai trouvé pour pouvoir survivre cette période).
La culpabilité aussi. La culpabilité quand on n’arrive plus à garder son calme, qu’on est au bout de sa vie, qu’on se demande comment on va pouvoir s’occuper de cet enfant, comme on va aller chercher encore plus loin des ressources qu’on n’a plus. Mais y arriver quand même, un jour après l’autre. Juste faire avec aujourd’hui.
L’opposition
A 18 mois, les choses de « bébé » se sont un peu calmées, pour aller vers les trucs du bambins (à savoir l’opposition, les Terrible Two). A 18 mois, déjà, elle a commencé à faire des siestes dans son lit. On pouvait la bercer sur le ballon de yoga, puis la poser après 20 minutes dans son lit sans qu’elle se réveille et ça ça a été un changement énorme par rapport aux siestes dans le porte-bébé. Elle est particulièrement précoce sur le langage, elle a fait des phrases complètes à 18 mois, ça nous a beaucoup aidé pour comprendre et se faire comprendre. Elle n’est jamais passée par le « parler bébé » avec des mots approximatifs ou abréviation. Elle disait « enlever l’opercule » très distinctement à 20 mois quand elle nous demandait de le faire (exigeait pardon). Mais son premier « oui » a été aux alentours de ces 2 ans. Elle disait Non à tout, même quand il se passait rien, qu’on lui demandait rien, ou qu’en fait elle disait oui. « Tu veux de la compote ? » « Non », dit elle en tendant la main. L’opposition, mon dieu. L’opposition, non, la dictature, les hurlements, les crises, les demis heures de crises de nerfs pour mettre une chaussure. L’opposition violente, par principe. Je parle de cette période LA, et de ce que ça a généré en moi. Pour être honnête on en est pas complètement sortis, Céleste garde un caractère très affirmé et une forte, très forte, exigence en termes d’exécution et de rapidité d’exécution. La frustration est une déchirure. Je vois encore ces enfants a qui on dit « non », qui repose leur truc en mode « ok » et vont faire autre chose. Quand chez nous, dire non se transforme en négociation « mais j’ai envie ! je veux faire ça ! mais j’aime bien ça ! »
Ce qui m’a petit à petit aidé à sortir de cette dépression post-partum
D’abord ce qui m’a soutenu durant cette période. Puis ce qui m’en a sorti.
Les témoignages d’autres mamans
Les temps seule devant mon ordi pendant que je sautais sur mon ballon de yoga je les consacrais à comprendre ce qui m’arrivait. Et surtout à savoir QUAND CA S’ARRETERAIT. Je lisais des posts de blogs en français et en anglais de personnes qui racontaient leur expérience avec leur bébé dit « BABI » ou bébé RGO. Ca ne me rassurait pas tant que ça car ça me semblait long, je voyais qu’elles parlaient de mois, d’années, alors que je voulais que ça s’arrête maintenant. Mais au moins, je savais qu’un jour moi aussi je ressentira ce soulagement quand ça serait derrière moi. C’est pour vous aussi que j’écris tout ça <3
Je suis aussi vite tombée sur le groupe Facebook « The Fussy Baby Site Support Group » et dedans, merci mon dieu, des centaines, des milliers de femmes qui ont le même modèle de bébé que moi. Que ce soit les coliques, le RGO, le « on sait pas pourquoi », qui réagissent particulièrement fortement à chaque truc qui arrive, mais la même souffrance, les mêmes questions. Certaines ont trouvé des solutions, les partage, ça en aide certaines, pas d’autres. Chaque jour j’allais voir le groupe pour voir ce qu’il se disait, quels étaient les nouveaux messages. J’ai même partagé certains de mes désarrois également. Et puis progressivement, je n’y suis plus allée, mais cela a été mon point d’ancrage virtuel pendant de nombreux mois. Elle partage aussi leurs autres enfants et confirment ainsi que, parfois, c’est juste un câblage. Beaucoup ont un enfant « intense » et d’autres enfants beaucoup plus tranquilles, sans se l’expliquer. Parfois c’est le 1er qui est comme ça, parfois c’est le 4ième, avouant que si ça avait le 1er elles n’en auraient probablement pas eu 4 😀
Le papa
Un papa très présent, qui fait de son mieux, qui s’implique. Qui s’organise. Qui ne travaille pas le lundi pour être là. Qui rentre du travail vers 17H pour avoir du temps le soir. Qui fait à manger, quand je suis pas là ou que j’ai pas la motive. Son travail lui a permis, au début, d’être présent 1 semaine par mois à la maison, plutôt 4 jours de travail par semaine. Aujourd’hui son travail lui permet de rentrer par trop tard et d’être présent le lundi, parfois le vendredi. Ce n’est pas toujours simple car pendant longtemps Céleste a été très attachée à moi et a pu rejeté son papa qui lui s’est toujours accroché <3 Parfois je me demande comment j’aurai pu survivre si Lucas avait bossé du lundi ou vendredi de 8H à 18H. Même si je me suis retrouvée plus seule surtout la journée, et les nuits, et l’allaitement et aussi, disons, le fait qu’elle soit particulièrement attachée à moi, sa présence et son engagement ont été primordiaux 🙂 On rappelle que tandis que certains partis politiques chouinent parce que les pères ont obtenu 28 jours de congés paternité au lieu des 11 jours quand ma fille est née, en Norvège les 2 parents se partagent, comme ils veulent, 49 semaines de congés payés à 100%. Et que je comprends toujours pas pourquoi on n’arrive pas à capter ça.
Le travail m’a aidé
Après les confinements et les restrictions de déplacement et d’activité, j’ai pu reprendre concrètement le travail en septembre 2021, près de 2 ans après la naissance de Céleste, 2 ans où « le seul » relai que j’ai eu a été son papa quand il ne travaillait pas. Ce qui était déjà cool et il a fait son maximum : être là assez tôt, prendre certains jours de travail et être très présent quand il était là. Alors quand j’ai repris le travail, 3 soirs par semaine, c’était ma bouffée d’air frais. C’était pas simple non plus car j’étais très obnubilée par ma fille, par mon propre état mental pour pouvoir me concentrer sur d’autres, et en même temps ça me faisait du bien de penser à autre chose et de faire autre chose. Parfois, je sortais de chez moi en pleurs, par nervosité, par prises de tête conjugales et je prenais la petite demi-heure de voiture que j’avais pour me recentrer avant de donner un cours de yoga et surtout essayer de faire en sorte que ça ne se voyait pas. Je me demandais si mes élèves arrivaient à sentir que juste avant de leur donner cours, j’avais pleuré toutes les larmes de mon corps, que j’étais pas bien du tout, fatiguée. Et que s’ils le savaient, peut-être ils ne seraient pas là. Grand syndrome d’imposture.
J’ai d’ailleurs fait beaucoup de cours de yoga très « tranquilles » pour un yoga dit dynamique, on était plus sur un hatha flow, tout simplement car je n’avais aucune énergie pour autre chose.
La garde par des tierces
La garde par des tierces… quand elle a été prête. C’est bien ça la distinction, de taille, entre faire garder son enfant, et faire garder son enfant quand il est prêt pour ça (même si ça lui plaît pas forcément). Quand elle a commencé à faire des siestes dans un lit et à ne plus trop avoir besoin de qqun a ses côtés pour s’endormir, il a été plus simple de la confier à sa grand mère. Depuis qu’elle a donc un peu plus de 2 ans, elle passe une journée par semaine chez ses grands-parents. Depuis qu’elle a 2 ans et 4 mois, elle va aussi une journée par semaine chez une nounou. Nous avons fait une adaptation très longue. Elle n’est pas toujours ravie d’y aller (« parce que maman est pas là »), mais je sais que ça se passe quand même bien. Alors souvent, j’ai 2 jours par semaine. C’est énorme. Ça change tout. C’est nécessaire. J’en ai besoin.
La psy
Nous avons une séance d’EMDR qui a eu un fort changement sur mon propre comportement, sur ma propre façon d’aborder les choses. Je suis passée de qqun qui s’agace dès que ça va pas comme elle veut, à qqun capable d’accepter ce qui arrive, de ne pas être dans l’hyper-responsabilisation, plus dans la confiance que ma fille a de la ressource, que je ne peux pas gérer ses émotions à sa place, elle doit les vivre (valable pour une petite fille de son âge, moins pour un nourrisson j’imagine). Qui se connecte plus à l’amour qu’à l’agacement. Quelque chose aussi en moi s’est dit que Céleste n’aurait peut être jamais pu voir le jour. Ou qu’il pourrait lui arriver quelque chose. Et je suis tout de suite en lien avec le plaisir et le bonheur de l’avoir dans ma vie. Avec aussi l’envie de pleurer. Car je vois le cadeau que c’est, et qu’il m’aura fallu pus de 2 ans pour le ressentir dans mon corps.
Les cercles de femmes
Depuis 8 mois, un jeudi par mois, je me rends à Lyon pour un cercle de femmes, pour le conseil des 13 gardiennes de la lune (ou voie des 13 mères originelles). C’est un soutien fondamental pour ma vie de femme, pour moi en tant que personne. Cela me transforme, je ne suis pas la même personne aujourd’hui que je l’étais au 1er conseil.
Le temps qui passe
Le temps qui passe est je crois la clé. La seule clé même. A 3 mois, à 6 mois, à 9 mois, à 12 mois, à 15 mois, à 18 mois, à 2 ans, à 2,5 ans. Ce sont des « étapes » qui a chaque fois ont amené un peu plus de détente, sans que ce soit pour autant le jour et la nuit, sans que ce soit facile. Ca l’est toujours pas. Mais même si ça a été plus facile de mois en mois, avec parfois d’autres difficultés qui se présentaient, j’avoue que les 2,5 ans ont fait un grand bien. Comme si je sortais enfin d’une période. Anna Roy, la sage-femme des maternelles, dit que le post-partum dure 3 ans. Vrai.
Je ne me sens pas pour autant « sortie » non plus des difficultés. D’ici une semaine, ce sera la rentrée à l’école. Et je m’attends à ce que ce soit dur. Elle a déjà prévenu « mais moi je vais pleurer à l’école ». Mais la différence aujourd’hui, c’est que ces moments durs sont entrecoupés de moments moins durs, de moments où je peux être seule, de moments où je sais que je vais pouvoir dormir et me reposer. C’était ça qui était le plus dur, ne pas avoir ne serait-ce qu’une minute pour que le système nerveux puisse se stabiliser, d’être en stress et pression constante, physique et mentale.
Et puis aussi, surtout, au niveau relationnel, les bons moments dépassent les mauvais moments. Et c’est juste ça qu’il faut. Pas qu’il n’y ait pas de mauvais moments, pas qu’il y en ait plus, pas que ce soit facile tout le temps. Mais que les bons moments soient plus nombreux.
Aujourd’hui, aussi, grâce à la psychothérapie, je me sens aussi plus armée quand les mauvais moments arrivent, moins catastrophée. Je me sens moins responsable de faire le pompier : ok, elle est pas contente, c’est pas grave.
Mais alors… POURQUOI ?
Pourquoi un bébé comme ça ? Pourquoi un bébé qui a l’air si douloureux ? Pourquoi tellement d’énergie ? Pourquoi de tels besoins si intenses ? Ce puits sans fond de besoins ? RGO, système nerveux spécifique, trauma précoce, manque de sommeil, you name it, who knows. Si le RGO aurait pu expliqué dans ses premiers mois de vie (traité avec un résultat très moyen), aujourd’hui ça ne tient par la route, elle est toujours « spéciale ».
Alors pourquoi je fais une depression port partum quand d’autres peuvent vivre la même chose, trouver ça très difficile sans pour autant entrer dans une dépression si longue ?
Une tendance plus pessimiste que certaines, à voir plutôt le verre à moitié vide. Une tendance à vouloir être au top, parfaite qui met une pression énorme. Une tendance au sacrifice, il aura fallu 2 ans pour qu’elle soit gardée, là où certaines auraient dit « j’en peux plus » bien avant. Ou n’ont pas eu d’autres choix, je sais qu’être scotchée à elle H24 pendant 2 ans a été le plus dur : pas de recharge, pas de répit, pas de repos. Je n’en pouvais plus mais je ne pouvais pas faire autrement, c’était impossible de sous-traiter.
Cela a aussi été compliqué de me rendre compte que j’étais en dépression. Je le sais aujourd’hui. En plein dedans, je me sentais plutôt en burn-out régulièrement (système nerveux qui explose), et parfois où j’étais moins en burn-out. Car ce n’était pas au point de ne pouvoir me lever le matin : je n’avais pas le choix, je le faisais sur les genoux mais je le faisais. J’étais capable de fonctionner. Très difficilement mais je fonctionnais. J’avais peur aussi, de ce « diagnostic ». J’avais peur que ça fasse de moi une mauvaise mère, j’avais peur qu’on m’éloigne de ma fille, en m’hospitalisant, même si je rêvais d’être loin, c’était impossible à envisager. Je faisais tout pour pas l’être, ou pas avoir l’être d’y être.
Ce que j’ai appris
Mais tellement de choses ! J’ai appris à mieux m’exprimer. J’ai appris à mettre de l’eau dans mon vin. J’ai appris à accepter, j’ai appris à lâcher prise. J’ai appris à ne pas contrôler. J’ai appris que faire ce qu’on peut avec ce qu’on a est énorme. J’ai appris que chaque enfant est différent et à sa propre personnalité. J’ai appris qu’un enfant n’est pas une page blanche : il a un tempérament, une histoire qu’on ne connaît pas, une sensibilité qui lui est propre et une façon de fonctionner aussi. J’ai appris que les mères ne sont pas responsables de tout. J’ai appris la compassion pour moi même et pour chaque femme. J’ai appris à ne plus pointer du doigt. J’ai appris qu’il y a des trucs, vraiment, qu’on ne peut comprendre que quand on les vit. J’ai appris qu’il n’y a pas d’idéal. J’ai appris qu’il faut se distancier des injonctions et des attentes irréalisables qu’on peut avoir. Même les gens bien attentionnés, même les gens « alternatifs » estiment qu’il y a une bonne et une mauvaise façon de faire avec ton enfant et ta famille, alors qu’absolument pas (bien sûr je ne parle pas de situations extrêmes !). Qu’il faut les laisser avec leur rigidité : deviens flexible. FLEXBILITY IS THE KEY. Arrêtons la rigidité cognitive.
Il m’a fallu aussi m’éloigner des « il faut », de « j’ai lu que ». De m’éloigner des injonctions quelles qu’elles soient, d’un côté comme de l’autre.
J’ai appris que j’ai une existence valide et que ce qui est OK pour d’autres ne l’est pas pour moi, même si dans les faits je comprends. Que n’importe quelle statistiques ou idéologie ne prend pas en compte qui tu es, qui est ton enfant et comment est ta situation. Que les gens qui disent « si j’y arrive d’autres peuvent le faire aussi » manquent de recul, de compréhension de l’altérité et de compassion pour eux-mêmes et pour les autres (ces mêmes gens qui serrent les dents et pleurent régulièrement de leur situation et qui, on sait pas pourquoi, on envie de te faire croire que leurs solutions sont les meilleures alors qu’ils sont clairement pas heureux). Pour moi, l’allaitement a été OK puis j’en ai eu marre, j’ai arrêté à ses 2 ans, quand je lisais partout que c’était bien le sevrage naturel, que dans la nature ou dans les tribus les enfants tètent et dorment avec leurs parents jusqu’à ce qu’ils aient plus envie, etc. OK OK, bah moi non. Le cododo oui, jusqu’à ses 13 mois. Et j’ai été abreuvée de discours sur « c’est normal de dormir avec son enfant jusqu’à ce qu’il décide de lui même d’avoir son lit etc. ». Comme souvent j’ai fait le chemin inverse. Certains ont des discours « traditionnels » et doivent mettre de l’eau dans leur vin face à la réalité, d’autres, comme moi, se sont plutot renseignées sur les maternités alternatives / ancestrales ou même intensives tout aussi rigide et doivent se dire « oui OK, mais pas pour moi » face à la réalité de ce qu’elles ressentent. Aujourd’hui, je pense à une maternité adaptée, qui convient à tous, au-delà de « il faut que », mais plus sur l’écoute de soi, de qui on est, d’où on est sur son chemin. FLEXIBILITE. Je ne peux écouter correctement mon enfant, lui apprendre à s’écouter elle-même si je sais déjà pas le faire pour moi-même et que j’ai besoin de lire 3 000 livres sur la question pour me faire un avis : YOU KNOW. Si t’as besoin d’avoir ton enfant près de toi la nuit pendant longtemps, DO IT. Si ça te saoule, DON’T. Si tu adores l’allaitement, CONTINUE. Si c’est pas ta tasse de thé, te force pas !
Alors bien sûr, avoir un enfant qui parle tout le temps, bruyant, extraverti etc., quand on est deux introvertis tranquillou, ça sort de la zone de confort. Mais ça met de l’ambiance.
Ce qui ne m’a pas servi et que j’aimerai qu’on arrête de dire parce qu’on n’y connait rien :
– « C’est parce que tu es trop stressée »
– « Il faudrait la laisser pleurer »
- « C’est parce que tu es trop stressée »
- « il faudrait la laisser pleurer »
- « moi ma tante dit toujours, un enfant il… [insérer n’importe quoi qui correspond à rien de connu pour toi] » par quelqu’un de célibataire qui voit des enfants 3 jours tous les 3 mois.
- « De mon temps on n’avait pas des enfants comme ça, ça filait droit »
- « Y’a quand même quelque chose qui ne va pas avec cet enfant »
- « Ha bah c’est ça d’avoir un enfant ! Fallait pas en faire si t’assumes pas ».
- « T’allaites encore ? T’es sûre que ton lait est nourrissant ? »
- « Faut dormir quand bébé fait la sieste » : bébé fait la sieste en porte bébé quand je danse / en sautant sur une ballon de yoga et se réveille si je m’arrête.
- « Profites-en, ça passe vite ! » – oui alors je vois pas de quoi je peux profiter, et même si au bout ça passe vite, là tout de suite ça m’aide pas.
- « Relativise : ton bébé n’a pas de problème de santé, donc tout va bien » : ok alors je fais quoi de mon état émotionnel, physique et nerveux ?
Les regards sur mes changements d’humeur non plus. Je n’étais pas moi-même pendant quelques années. J’étais juste une boule d’angoisse, impossible à détendre car tout le temps sursollicitée. Impossible de profiter de quoique ce soit, toujours aux aguets, à l’affut des réactions de ma fille, à prévenir ses réactions, à gérer, contrôler pour éviter les crises. Et exténuée. Je crois, sans qu’ils le disent, que beaucoup de gens m’ont jugée dans cette période, alors que j’étais simplement au bout de ma vie. Des gens qui n’ont pas d’enfant, ou qui ont des enfants qui regardent le ciel sans broncher, ou qui voient leurs enfants 2H par jour. Alors que, pour moi, j’ai traversé l’enfer. J’ai pas eu une enfance des plus rigolotes et il m’est arrivé certains trucs très glauques et traumatisants, mais alors là, ça, je crois que ça a été le plus dur pour moi. Les pensées suicidaires ne m’ont pas permis de me détendre, je n’avais plus cette porte là, maintenant que j’avais un enfant, je ne pouvais même plus mourir. Aucun échappatoire. Cette période, ces hurlements, le manque de sommeil, le manque de repos physique et mental, la solitude, c’est une torture. Ne jugez pas quelqu’un qui a la sensation de vivre l’enfer. Feelings are valid.
Today : le soleil
Parce qu’aujourd’hui il y a quelque chose d’assez hallucinant et très agréable : je suis extrêmement fière de qui elle est. Je suis extrêmement fière d’avoir fait mon maximum, de m’être adaptée aussi, pour la faire pousser. C’est une petite fille très intéressante, rigolote, attachante, qui a un haut niveau de réflexion pour son âge, qui porte un grand amour a ses parents même si elle nous fait tourner en bourrique. Comme je savais que j’allais avoir un enfant de ce type là, sans me douter que ce serait à ce point là difficile, je sais que plus elle grandira, plus elle nous étonnera. Car on n’a pas écouté les conseils d’étouffer dans l’oeuf toute démonstration d’affirmation, de personnalité et d’individualité. Tout en étant attentif à donner des limites, des règles, un cadre. Parce qu’on a traversé les difficultés sans savoir si un jour on s’en relèverait mais qu’on l’a fait quand même car on est partis du principe que c’était une personne riche et qu’il ne fallait pas lui voler son trésor.
Parce que si elle a été si exigeante, si « difficile », c’est qu’on était les bonnes personnes pour accueillir ça. Et que même si c’est une épreuve, une fois passée, on n’est plus la même personne. C’est beaucoup mieux. Je suis beaucoup mieux, en tant que personne. Je suis beaucoup plus mature. Je suis beaucoup plus « moi » après n’avoir été que l’ombre de moi-même.
C’est aujourd’hui la petite fille la plus heureuse de vivre que je connaisse : c’est un soleil !
Autre chose, j’ai parcouru les photos et vidéos que j’ai dans mon téléphone sur toutes cette période : il y a de très beaux moments, des moments drôles, des moments de découvertes, des moments forts. Aujourd’hui je peux le voir / le vivre. A ce moment là, je ne m’en apercevais pas. Je pouvais vivre des trucs sympas, rire, partager, sourire, me dire « c’est pas si pire » mais mon état émotionnel, ce qui était sous-jacent, était tellement pas joie que je n’imprimais pas ces moments dans mon corps ou dans quelque chose de plus large que l’état dans lequel j’étais.
C’est pas tous les jours « facile », je suis pas sûre que ça le devienne vraiment. Mais depuis ses 2 ans et demi, les bons moments sont beaucoup plus nombreux que les désagréables et ça change tout.
Je ne regrette pas ces années compliquées, ni même des efforts surhumains que j’ai fait pour répondre aux besoins de Céleste en tentant de pas trop m’oublier, notamment car notre relation est extraordinaire. Même dans les moments difficiles, j’ai toujours vu qu’il y avait une forte complicité, un lien ultra fort et magnifique. Qui n’a pas été immédiat, qui s’est construit avec le temps. Si ce lien a été souffrant par moments pour moi, il est d’une richesse incommensurable aujourd’hui.
Si certaines femmes vivent ça actuellement : hold on! Un jour à la fois. S’entourer, se faire aider quand on peut même si c’est parfois difficile. Privilégier le sommeil quand c’est possible aussi.