Il y a quelques temps j’écrivais sur le fait de m’affirmer, de respecter mes limites. Cela s’inscrivait dans une plus grande « bulle » de prise de conscience. Une prise de conscience qui cherche à transformer ma façon de marcher dans le monde : là où je fonctionnais en mode « éviter de me faire rejeter » (sans m’en rendre compte); je suis appelée aujourd’hui à fonctionner sur un autre mode. Là où je fonctionnais avec des valeurs subies de « je dois être comme ceci ou comme cela pour pas qu’on me rejette », j’ai désormais une page blanche pour choisir vraiment mes valeurs et comment je vis avec le monde, sans cette épée de Damoclès que constituait ma peur panique du rejet. Mais ceci ne se passe pas sans échecs, sans moment d’équilibrage, car il faut parfois passer d’un extrême à l’autre pour savoir où on souhaite se situer.
30 ans configurée à tout faire pour éviter d’être rejetée
Une habitude prise pendant aussi longtemps n’est plus une caractéristiques mais une facette de votre personnalité. Cette blessure du rejet tellement béante a créé ce qu’on peut appeler un « faux-self », un moi créé de toute pièce pour montrer quelque chose aux autres qui me garantit qu’il ne me rejettera pas, qu’il me donnera de l’attention et oserai-je même dire de l’amour. Une quête d’amour qui passe par tout un tas de stratégies. Se modeler en fonction de la personne en face, dire ce qu’il a envie d’entendre, tout faire pour éviter un « conflit » (et ainsi manquer d’affirmation) et puis l’autre de mes stratégies préférées, la victimisation. Quand rien ne fonctionne, quand je sens que l’autre a tendance à pas forcément m’apprécier, je sors la carte magique « enfance difficile » et normalement j’attire assez de pitié pour que l’autre évite de m’en rajouter une couche. C’est moche, mais c’est inconscient (jusqu’à ce que ça ne le soit plus).
Relationnellement bien sûr il est facile de voir que ça donne des trucs pas terribles. C’est un processus qui amène une quête de validation extérieure constante : le regard de l’autre est primordial car je n’ai intérieurement pas suffisamment de poids. Cela amène ce qu’on appelle des relations « horizontales », comme si l’avis d’une personne que je ne connais pas comptait tout autant que l’avis d’une personne de ma famille. C’est une difficulté à établir des relations plus hiérarchisées. Tu te plies parfois en 4 par panique à ce que quelqu’un que potentiellement t’estimes peu te rejette.
Une période d’équilibrage
Quand j’ai commencé à m’affirmer (alors bien sur c’est pas du jour au lendemain et je pense que ça a commencé il y a quelques années mais vraiment petit bout par petit bout) et à dire de vrais Non, à défendre mon espace sacré, à connaître et à faire respecter mes limites, il y a eu un changement majeur : celui où mon « moi », ne cherche plus à éviter à ressentir ma blessure du rejet. Celui, par ricochet donc, qui consiste à dire « en fait je m’en fous de ce qu’on pense de moi ». Bien sûr dans certaines mesures. Penser « tant pi » si on ne m’apprécie pas ou si une relation est en conflit. Un profond shift qui amène alors un processus d’équilibrage, ce que j’appelle ma période Dragon. D’être en mode full fire, apprendre à taper du point sur la table. Puis glisser un peu vers plus de véhémence, une colère qui était jusqu’ici masquée par le faux self afin de faire en sorte que ça ne se voit pas trop. Une période où j’envoie ch**r les gens, où j’explose en un instant, où je fais pas vraiment d’effort pour être un peu sympa (bien sûr pas tout le temps et pas avec tout le monde). Sur certains sujets, il y a quelques semaines, j’ai fini par être agressive, et à faire preuve de violence verbale.
Alors devenue plus agressive, je me suis dit « mais mince, c’est ça ma vraie personnalité quand je ne suis plus paniquée à l’idée qu’on ne m’aime pas ? Ce qui faisait que je pouvais être à peu près sympa avec les gens, c’était ma peur ? Quand mon faux self se barre, mon vrai moi est une connasse arrogante ? C’est ça que je cachais ? Que j’aime pas les gens ? ».
Ha, ça fait pas plaisir.
Car dans ces 30 ans où je faisais tout pour qu’on m’aime, j’ai pas appris à aimer les gens. On ne peut pas aimer les gens « vraiment » quand on cherche leur validation. Pas juste dans la théorie : oui c’est mieux d’aimer les gens et j’aime pas trop voir des gens souffrir mais ce n’est pas la même chose. Et puis il y a toujours quelque chose en fond qui fait qu’on leur en veut d’avoir autant de pouvoir sur nous. On se voit soi à travers les yeux de l’autre mais on ne voit pas véritablement l’autre.
Période dragon, dérapages en tout genre… Un chaos. Une phase Yang chaotique. Et vient le moment où il faut ranger parce que c’est plus mortifère que vivifiant.
Note post récit (mars 2022), cette période a atteint son paroxysme début janvier 2022 et je suis beaucoup plus apaisée aujourd’hui.
Choisir des valeurs parce qu’elles sont bonnes en soi
Ce n’est pas comme ça que je veux marcher dans le monde, ce n’est pas ce que je veux créer pour le monde, je ne pense pas non plus que ce soit comme ça que je suis. Sauter sur les gens en crachant mon venin dès qu’on me dit quelque chose qui ne me plait pas ou que je trouve pas très intelligent n’est pas… très intelligent. Je veux faire le choix de la paix. Je veux faire le choix de la douceur. Je veux plus de douceur dans mes échanges, plus de chaleur dans ma façon d’être. Je dirai même plus de « gentillesse ». Mot qui m’angoisse pas mal. J’ai été gentille et je l’ai mal vécu. Mais c’est bien là la différence entre être gentille pour pas faire de vagues, parce que c’est ce qu’on nous demande, parce que ça nous évitera d’être dans le conflit, d’être rejeté, d’une certaine façon parce qu’on n’a pas trop le choix et être gentille parce que c’est une bonne chose, en soi, pour soi et pour le monde. Parce que c’est notre désir d’âme et pas notre blessure égotique qui nous y amène. Ca fait une vraie différence. Celle du choix. Celle de choisir consciemment que ce sont des valeurs que l’on veut incarner dans le monde, et pas que l’on veut subir parce qu’on n’a pas trouvé d’autres mécanismes de défense il y a de cela bien trop longtemps pour qu’on s’en souvienne. Il y a être gentille par négation et diminution de soi, et être gentille pour s’élever et élever l’autre. Il y a être soumise et être gentille. La gentillesse est un acte de bonté, la peur vous mange vivant. Je peux ne pas être d’accord sans pour autant être méchante. Et si je sens que je ne peux pas vivre une relation en étant « gentille », pour différentes raisons (l’autre souhaitant par ex. te faire entrer dans un mécanisme de rapport de force, ambiance « soumets toi », partir, plutôt que combattre). J’ai écris tout ça en janvier et c’est en mars que j’arrive à le vivre différemment et à avoir l’impression d’être véritablement en cours d’intégration de cette douceur.
Pouvoir choisir ses valeurs, librement. Passer d’un processus inconscient du « je fais ça pour me protéger de… » à un choix conscient de « Je fais ça parce que je sais que c’est la bonne chose à faire ».
L’autre en moi
Quand j’ai regardé mes réactions, et quelles sensations ça me donnait, j’ai réalisé que mes propres mots, mes propres émotions liées à l’expression de ma colère étaient sources de souffrance en eux-mêmes. C’était un cercle vicieux : cette forme d’affirmation extrême prenait sa source dans la colère et son expression en générait également. En somme, plus je « réagissais » aux choses, plus j’avais tendance à mal réagir par la suite, ça ne s’apaisait pas. Et puis surtout, je me sentais mal de réagir de la sorte. Comme une souffrance d’âme plutôt qu’une culpabilité. Mon âme souffrait de mes réactions et de toutes ces émotions de colère, et du mal que ça pouvait faire. Etre agressive ou un peu trop militante dans mes positions ne faisait pas que du mal à l’autre, ça m’en faisait à moi. J’ai enfin senti dans ma chair cette phrase déjà lue plusieurs fois « quand tu fais du mal à l’autre, c’est à toi que tu en fais ». Chose qui était assez claire pour moi lorsqu’il s’agissait de la nature, des plantes, des animaux, mais que j’avais du mal à étendre à l’être humain. Ça m’a rappelé à la conscience du « tout est Un ». Des liens qui s’établissent entre tout ce qui existe. Quand on pense à ça il y a quelque chose de très poétique, le lien entre les arbres, les fleurs, le ciel, les enfants, soi-même… Mais il y a aussi le lien entre soi et les gens avec qui on n’est pas du tout d’accord et c’est une autre paire de manches.
Ressentir le lien entre toutes choses. Ressentir que l’autre est un peu moi et que je suis un peu l’autre, tout en étant différents. Que nous sommes la même chose avec des expressions différentes.
Me réveiller sur mon affirmation de soi a eu pour effet de créer un dragon qui crachait du feu « purificateur » sur toutes les limites qui m’étaient insupportables de voir être dépassées.
Trouver cet équilibre, à dire enfin « non » mais sans violence. Non, je ne suis pas OK avec ça mais j’essaye de le dire et le faire avec douceur, parce que d’une certaine façon, tu es moi et je suis toi. Et Oui, on peut être différent, pas d’accord, et pour autant se reconnaître comme étant frères / soeurs. C’est loin d’être chose aisée mais c’est beau quand ça marche.