Créer quelque chose puis le donner au monde. Concevoir un projet, une idée. Passer du temps en gestation, puis le délivrer, le « montrer », le mettre au monde.

Accoucher et mettre au monde, l’appréhension


Mon appréhension face à l’accouchement m’a permis de travailler sur cette notion de mise au monde. Oh, je suis forte pour avoir des idées, des projets, commencer à organiser, mettre en place, passer du temps à travailler dessus, planifier… Mais quand il s’agit de « finaliser » l’histoire et « d’accoucher » du projet, c’est une autre affaire.


Comment, dans cette situation, être vraiment à l’aise avec la création ultime : mettre au monde un être humain. Le préparer, le façonner, ou en tout cas lui donner l’environnement adéquat pour qu’il se développe.
Je suis quelqu’un qui fait de la « rétention », je ne laisse pas les choses sortir si facilement, et quand c’est le cas, cela devient quelque chose d’anarchique, c’est comme retenir un chien en laisse pendant des heures puis lâcher la laisse, c’est une énergie folle, sans canalisation. Alors je retiens ce que je crée, j’ai du mal à mettre au monde, à moins d’y être forcée. Parfois je mets au monde, mais je reste discrète. Je n’en parle pas, je cache. En cela, cela continue de m’appartenir. Personne pour voir, personne pour critiquer. C’est faire des concerts et spectacles et n’inviter personne. C’est créer des contenus, des vidéos, des sites web, et ne pas les partager. C’est là, quelque part, mais je garde pour moi.

Laisser vivre / échapper ce qui ne t’appartient pas

Il y a quelque chose qui « échappe » dans la mise au monde. C’est qu’une partie de ce que tu crées ne t’appartient pas. Peut être précisément parce que tu ne le crées pas vraiment. Tu donnes des contours. Mais ce n’est pas « Toi ». C’est toi avec d’autres, toi avec la création elle-même, toi avec ce qui est plus grand que toi et qui fait les choses à ta place. Je crois que la peur de mettre en monde a un lien avec l’illusion du contrôle. Tant que ce n’est pas dans le monde, je crois toujours avoir une maîtrise de ce que je crée. Quand je le laisse vivre au monde, cela n’est plus « à moi », voire même plus « de moi ». Tant que tu gardes, ce vortex continue de tourner à l’intérieur de toi. La difficulté de matérialiser, d’être vraiment là, dans le monde, avec le monde, dans la matière, dans le dense, dans la forme. C’est souvent l’étape où l’on abandonne, où on laisse tomber, où on laisse en suspens, pour plus tard, parce que c’est pas le moment, parce que tout n’est pas encore parfait.
Pour la mise au monde de la création ultime, l’être humain, il n’y a pas de « ce n’est pas encore maintenant, plus tard, peut être… ». Quand la création est lancée, c’est lancée. Il va falloir mettre au monde. Et plus tu interviendras dans le processus, plus de contrôle et de maîtrise tu essaieras d’avoir, moins ce sera aisé d’envisager ce jour, car il s’agit justement de l’inverse.

Oui, envisager mon accouchement m’a fait considérer sur tous les accouchements qui existent, sur la créativité, sur la mise au monde, sur la matérialisation, sur le risque, sur le lâcher prise, sur qui crée, sur comment on crée, sur pourquoi on crée. De penser ce jour non pas comme moi qui accouche d’un bébé, mais comme un bébé qui se met au monde à travers moi.

Créer l’intention de joie, l’intention de lâcher, l’intention de laisser, l’intention d’accompagner avec douceur, comme une vaguelette qui ramène un coquillage sur la plage, être ce coup de pouce. Etre la puissance d’une intention. Laisser ce qui doit exister exister, avec joie, désir, amour.